EXPERTS ET DECIDEURS
LE NON-RESPECT DES MESURES PRECONISEES POUR EVITER LA PROPAGATION DU VIRUS OU L’UTILISATION ABUSIVE DU DISPOSITIF D’ACTIVITE PARTIELLE PEUT ENTRAINER LA MISE EN CAUSE DE LA RESPONSABILITE PENALE DE L’EMPLOYEUR.
Pour les entreprises ayant poursuivi l’activité pendant le confinement, comme pour celles ayant repris progressivement à la suite du déconfinement, l’épidémie de Covid-19 suscite de nombreuses interrogations. Pour les employeurs, se pose notamment la question de leur responsabilité. Peut-elle être engagée si un salarié est contaminé ou simplement s’il s’estime mal protégé ?
De manière générale, le Code du travail impose à l’employeur de prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». « Il ne doit pas seulement diminuer le risque, mais l’empêcher. Cette obligation est une obligation de résultat », explique Ghania Kempf, responsable missions RH et référant santé et sécurité au travail du groupe Laflute et associés, membre du groupement France Défi.
Les conséquences de la loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire
En cas de manquement à cette obligation, sa responsabilité pénale pourrait être recherchée dans le cadre de l’article 121-3 du Code pénal, relatif aux délits non intentionnels et notamment à la mise en danger de la vie d’autrui. « La loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire a indiqué que cet article était applicable, mais précise qu’il doit être tenu compte du contexte et des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’employeur, détaille la spécialiste. Cela ne dégage pas l’employeur de sa responsabilité, mais cela signifie qu’elle sera appréciée au cas par cas par les juges. »
Le nouvel article introduit par cette loi dans le Code de la santé publique demande au juge d’apprécier in concreto, une éventuelle contamination au Covid-19.
Compte tenu du contexte, l’employeur a une obligation de moyens renforcée. Ce qui signifie qu’il devra pouvoir démontrer avoir fait le maximum pour protéger les salariés explique Ghania Kempf, responsable missions RH et référant santé et sécurité au travail »
La responsabilité pénale de l’employeur appréciée au cas par cas
En clair, l’évaluation sera différente pour l’employeur qui n’aurait pas mis en place ou actualisé son document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) ni le minimum des mesures barrières face au virus (distanciation, port du masque, télétravail quand cela est possible) que pour celui pouvant faire état des démarches entreprises pour éviter sa propagation. Mise à jour du DUERP, information des salariés, échange avec la médecine du travail, fourniture de moyens de protection… les mesures à prendre sont nombreuses.
Il s’agit, pour l’essentiel, de respecter les directives du protocole national de déconfinement, en s’aidant par exemple des fiches métiers éditées par le ministère du Travail. Rassurant, celui-ci indique d’ailleurs sur son site que lorsque l’employeur se conforme à la démarche de prévention recommandée par les pouvoirs publics, il ne devrait pas encourir de sanction pénale, « sous réserve de l’appréciation souveraine des juges ». En la matière, c’est en effet la justice qui tranchera. Néanmoins, la condamnation d’un employeur supposera la démonstration d’un manquement « délibéré » à son obligation de sécurité et d’un lien de causalité entre la contamination du salarié et son travail. « Cela sera très difficile à établir », souligne Ghania Kempf.
Fraude à l’activité partielle
Toujours en lien avec l’épidémie, mais dans un autre domaine, la responsabilité pénale de l’employeur pourrait également être mise en cause dans le cas d’une utilisation frauduleuse du dispositif d’activité partielle. « Des contrôles sont en train de s’opérer, il faut pouvoir démontrer que le motif de recours au dispositif est légitime », prévient l’experte.
Là encore, les situations diffèrent. « Si l’entreprise a mal interprété les textes sans chercher à abuser du dispositif, elle peut avoir simplement à rembourser les aides. Mais pour l’employeur qui aurait bénéficié des allocations en demandant délibérément à ses salariés de continuer à travailler, la fraude est évidente », illustre Ghania Kempf.