EXPERTS ET DECIDEURS
LA CRISE DU COVID A INVITE LES ENTREPRISES A REVOIR LEURS FAÇONS DE TRAVAILLER, PARFOIS DANS L’URGENCE. MAIS COMMENT FAIRE POUR ACCUEILLIR UN JEUNE EN TELETRAVAIL (ALTERNANT, STAGIAIRE OU PREMIERE EMBAUCHE) DANS UN TEL CONTEXTE ?
Christian Rotureau, gérant du cabinet AEC, membre du groupement France Défi, a été dans cette situation début juin peu après le déconfinement. Son entreprise devait recevoir une stagiaire. « C’était prévu depuis longtemps, se souvient-il. Même si le confinement était terminé, la question s’est posée de maintenir le stage, car beaucoup de collaborateurs, y compris sa future tutrice, préféraient continuer en télétravail. » Résultat de la réflexion ? Le stage a été maintenu après un effort d’organisation. « Nous avons mis en place un système de rotation de telle sorte qu’il y ait toujours quelqu’un en présentiel avec elle. Nous avons dû faire attention à ce qu’elle reçoive des conseils et un vrai suivi. Sinon, cela ne sert à rien. »
Accueillir un jeune en télétravail, des limites légales
Voilà un sujet qu’aucun manageur n’avait sans doute anticipé. L’épidémie de Covid-19 a rebattu les cartes et bouleversé les façons de travailler. En temps de crise sanitaire, l’idée demeure de continuer son activité de la façon la plus « normale » possible, y compris à distance. Mais cela va-t-il jusqu’à pouvoir accueillir un alternant ou un stagiaire en télétravail ? Pas sûr.
Cela me semble difficile pour un alternant. En effet, si on ajoute du télétravail à l’alternance, on risque de perdre la quintessence du lien : la proximité et l’échange explique Christian Rotureau, gérant du cabinet AEC
Sans compter qu’à cela s’ajoutent des limites légales. Certes, les salariés en contrat de professionnalisation ou en alternance sont bien des salariés et, à ce titre, « aptes » au télétravail. Cependant, l’employeur se heurte à la question de l’accompagnement par le tuteur et au risque de requalification du contrat. Le Code du travail prévoit d’ailleurs des amendes si une entreprise ne respecte pas ses obligations et ne dégage pas suffisamment de temps pour accompagner l’apprenti par exemple.
Panacher avec du présentiel
Mais que faire en cas de force majeure ? « Bien sûr que l’on peut organiser des échanges en visioconférence, observe Christian Rotureau. Néanmoins, pour moi, la culture d’entreprise s’apprend d’abord en présentiel. » Un seul scénario serait envisageable selon lui. « Si vraiment nous n’avions pas le choix, avec une formule deux jours à l’école trois jours en entreprise, je ne vois pas le télétravail dépasser une journée. Au-delà, on risque de ne pas être efficient dans l’accompagnement. Et encore, je pense que cela passerait par un premier mois a minima sans télétravail, pour s’approprier les outils et valider un certain nombre d’acquis indispensables. »
Et pour l’accueil d’une première embauche, le raisonnement doit être le même selon ce dirigeant. « Et si un tel contexte se présentait à nouveau, nous devrions aussi insister sur notre encadrement managérial. Qu’il s’agisse d’un stagiaire, alternant ou d’une nouvelle recrue, chacun doit savoir que son manageur est disponible et ne pas hésiter à le solliciter. Et, de notre côté, nous devrons être particulièrement à l’écoute. »