EXPERTS ET DÉCIDEURS
Même si la rapide hausse des taux observée depuis juillet 2022 ne porte pour l’instant pas préjudice au crédit aux entreprises, il reste utile de bien rationaliser sa gestion et d’opter pour la multi-bancarisation.
Depuis juillet 2022, la Banque centrale européenne (BCE) a mené un resserrement monétaire très rapide, avec une hausse cumulée de 375 points de base, afin de lutter contre l’inflation élevée en zone euro et de la rapprocher du taux cible de 2 %. Les taux d’intérêt de référence de la BCE pour les banques (taux de facilité de dépôt, taux de refinancement et taux de facilité de prêt marginal) se situent ainsi dans une fourchette comprise entre 3,25 % et 4 %, au plus haut depuis octobre 2008. Pour les ménages et les entreprises, ce durcissement de la politique monétaire se traduit par une hausse des coûts de financement.
Cette augmentation est d’autant plus visible que ces coûts étaient jusqu’à peu extrêmement faibles. « Ces dernières années, les coûts du financement à moyen terme des entreprises étaient anormalement bas, à moins de 2 %. Par comparaison, les taux du crédit à moyen terme aux entreprises se situent entre 7 % et 10 % depuis plus de dix ans au Royaume-Uni », souligne Germain Simoneau, président de la commission Financement des entreprises à la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Ce faible coût était à la fois dû « aux taux directeurs très bas mais aussi au fait que le crédit est le seul produit bancaire sur lequel les banques ont une obligation de transparence à travers le taux effectif global », précise cet expert. D’autres produits bancaires (facilité de caisse, crédit bail, affacturage) étaient ainsi plus chers que le crédit classique.
Pour l’instant, la hausse des taux n’est pas susceptible d’entraîner des problèmes systémiques, en particulier s’agissant des PME qui souscrivent généralement à des prêts moins élevés que les grandes entreprises, assure Germain Simoneau.
[citation auteur= »Germain Simoneau, président de la CPME »]Par exemple, un prêt de 100 000 euros souscrit sur 5 ans à 5 % au lieu de 2 % entraîne un surcoût de 135 euros par mois. Cela viendra un peu diminuer la rentabilité de l’entreprise mais cela ne l’amènera pas à renoncer à son investissement.[/citation]
Le crédit aux entreprises se porte d’ailleurs très bien si l’on en croit les dernières statistiques de la Banque de France. L’encours total des crédits accordés aux sociétés non financières a ainsi atteint un nouveau record, à plus de 1 333 milliards d’euros fin février (+6,9 % sur un an), et ce malgré un taux moyen qui continue d’augmenter (3,68 % en février, après 3,45 % en janvier). « Nous percevons quelques signaux de resserrement sur les conditions d’octroi, mais nous ne sommes pas du tout dans une situation de raréfaction du crédit », observe le président de la commission Financement des entreprises à la CPME.
Pour mieux gérer l’augmentation des coûts de financement, Germain Simoneau conseille aux PME de bien rationaliser leur gestion et d’opter pour la multi-bancarisation. « Pour les PME qui sont mono-bancaires, c’est le moment d’intégrer un ou plusieurs autres partenaires bancaires, affirme-t-il. Une banque est un fournisseur comme un autre et il ne faut pas hésiter à la mettre en concurrence avec d’autres établissements bancaires. »
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Pour les PME réalisant quelques millions d’euros de chiffre d’affaires, deux banques peuvent suffire ; au-dessus de 10 millions d’euros, il n’est pas inutile d’avoir trois partenaires bancaires. Au-delà de l’optimisation des taux par la mise en concurrence, le principal bénéfice de la multi-bancarisation sera le partage du risque entre les banques qui permettra de fait, d’augmenter la capacité d’endettement de l’entreprise.