LE PARISIEN
ÉVOLUER FEMINISATION DES METIERS, EGALISATION DES SALAIRES, PARTICIPATION AUX INSTANCES DE DIRECTION. POUSSEES PAR LA LOI, LES ENTREPRISES ESSAIENT D’AVANCER SUR LE CHEMIN DE L’EGALITE ET DE LA PARITE…
SILESHOMMES et les femmes sont égaux devant le chômage, les écarts commencent à se creuser dès mention du salaire. Aujourd’hui, en équivalent temps plein, les femmes touchent 18,5 % de moins que les hommes, contre 33,3 % en 1970, selon l’Observatoire des inégalités. Certes la mécanique de changement est lente, mais elle est tout de même enclenchée grâce à certaines mesures législatives, notamment l’index de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, lancé en 2019 (lire ci-contre). Il vise à plus de transparence et, en cas de faible score (inférieur à 75 points), expose l’entreprise à une pénalité financière pouvant atteindre 1 % de sa masse salariale.
Une réflexion à l’échelle des entreprises
Autre défi, la parité. Dans ce sens, le plafond de verre reste un phénomène que même la loipeineàrompre.Si43,6%de femmes peuplent aujourd’hui les rangs des conseils d’administration, grâce à la loi Copé Zimmermann de 2011, seules 18,2 % atteignent les comités exécutifs. « Les candidates à des postes à responsabilité sont plus rares parce qu’elles ont certainement moins le goût du pouvoir », décrypte Hymane ben Aoun, directrice générale de Teaminside, spécialisé dans le recrutement. Une impression confirmée par une étude exploratoire sur le leadership responsable : les femmes auraient « tendance assez naturellement à s’identifier à des traits moraux plus justes et gentils », des valeurs qui priment notamment dans les projets RSE(responsabilité sociétale des entreprises). C’est quand l’entreprise affiche clairement une politique volontariste, que le cercle vertueux s’enclenche. « Nous étions à l’origine trois cofondateurs hommes, mais avons volontairement décidé d’inclure une femme comme quatrième cofondatrice, par souci de parité », raconte Ouriel Darmon, de Student Pop – start-up parisienne qui développe une application pour aider les étudiants à trouver un job. Résultat, 60 % des effectifs en recrutement sont des femmes.Pour mettre en place une politique de parité efficace, Dorothée Bonassies, directrice de Skoda France, préconise quant à elle de « veiller à avoir au moins une candidate présentée pour chaque poste à pourvoir ». « Avec 44 % d’effectifs féminins, nous avons sans doute l’un des meilleurs scores en termes de parité au sein d’une marque automobile. Je suis convaincue que cet équilibre participe à notre succès en France », aiffrme-t-elle.
A la croisée de deux secteurs d’activité réputés masculins, le BTP et la Tech, Sogelink, éditeur de solutions digitales pour les professionnels de la construction, s’est totalement investi dans l’intégration des femmes au travail et en compte près de 50 % dans ses effectifs. Comment y parvient-il ? « Grâce à la culture d’entreprise, explique Nathalie Spagnolo, DRH de Sogelink. Nous communiquons en interne sur celle-ci et nous le faisons avec des actions. Il est assez aisé de porter ce message avec une CEO femme, un Codir composéde4femmessur6etune équipe RH 100 % féminine. » Concrètement, la maternité fait partie des sujets abordés positivement : « Nous la facilitons et la banalisons, afin que les mères de famille puissent travailler sereinement. Les femmes en congé maternité bénéficient de l’enveloppe des augmentations individuelles lors des révisions de salaire, une place de parking est attribuée aux femmes enceintes, nous faisons un cadeau aux nouveau-nés, les horaires sont adaptés pour permettre d’aller chercher les enfants le soir. Et nous promouvons les femmes grâce à une politique RH très active. »
Transmettre le message dès l’école
La culture de l’égalité peut aussi se transmettre dès l’école. Tel est l’objectif d’Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des Finances, à travers le lancement du collectif IndustriElles. Sa mission ? Constituer un vivier de 1 000 industrielles, soit autant d’ambassadrices de l’industrie auprès des jeunes, des organismes de formation et des dirigeants d’entreprises. Une initiative louable qui pourrait faire avancer la cause. Encore aujourd’hui, seules 82 entreprises françaises arborent le label Afnor créé en 2004 qui atteste du respect de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Focus
Ce que dit la loi
Depuis 1946 et l’inscription de l’égalité entre les hommes et les femmes dans la Constitution, le corpus législatif en la matière ne cesse d’évoluer.
En 74 ans, plus de 10 textes de loi et décrets se sont succédé pour garantir des droits égaux entre les deux sexes. A commencerparlefondamental « à travail égal de valeur égale, salaire égal » inscrit dans la loi en 1972. Le principe est renforcé au fil des années par de nouvelles lois et directives, prônant l’égalité de traitement dans tout le champ professionnel (recrutement, rémunération, promotion ou formation). Cette notion a été réactualisée avec la loi du 23 mars 2006 recourant cette fois à la négociation dans les branches professionnelles et dans les entreprises. Côté congé maternité, elle instaure le principe du rattrapage salarial, qui permet à la personne de bénéficier au retour de son congé des mêmes augmentations que ses collègues pendant son absence.
En 2014, les dispositions légales se durcissent avec la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Celle-ci conditionne l’accès des entreprises de plus de 50 salariés aux marchés publics au respect de l’égalité professionnelle. A partir du 1 er mars 2020, ces dernières, à l’instar des plus grandes depuis 2019, sont aussi tenues de rendre public un index de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. La loi Copé-Zimmermann de 2011 a aussi facilité l’accès des femmes à des postes à responsabilité. Elle prévoit que la proportion des administrateurs de chaque sexe ne doit pas être inférieure à 40 % dans les conseils d’administration. Les sociétés, quelle que soit leur taille, doivent veiller à ne pas observer de diférences en matière de formation, de promotion ou encore de congés. Il est également interdit de souligner dans une ofre d’emploi l’un ou l’autre sexe recherché ou de pratiquer une discrimination à l’embauche en raison du sexe, de la situation de famille ou de la grossesse d’une candidate.
Quant aux peines encourues, elles varient selon le Code du travail, de simples sanctions civiles (annulation de la mesure prise, versement de dommages-intérêts) aux condamnations pénales (jusqu’à trois ans d’emprisonnement, amende allant jusqu’à 45000 €).