EXPERTS ET DÉCIDEURS
Pour garantir la pérennité de sa démarche, une entreprise engagée dispose de plusieurs voies, plus ou moins contraignantes.
Depuis la loi PACTE, toutes les entreprises françaises sont tenues de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux. Cette loi promulguée en mai 2019 a en effet modifié la définition de l’objet de l’entreprise dans le Code civil en ajoutant l’alinéa suivant dans l’article 1833 : « La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».
Une entreprise engagée qui veut aller plus loin sur la durée peut se tourner vers un label RSE, obtenir l’agrément ESUS, inscrire une raison d’être dans ses statuts ou encore devenir une société à mission. Ces différentes démarches peuvent être complémentaires. Par exemple, à fin 2022, 9 % des sociétés à mission bénéficient aussi d’un label RSE.
Entreprise engagée : opter pour un label
Il existe différents labels RSE généralistes : B Corp, LUCIE, Positive Workplace ou encore Engagé RSE de l’AFNOR qui évalue la maturité des démarches RSE des organisations sur la base de la norme ISO 26000. Ils ont tous des cahiers des charges différents et impliquent parfois des modifications statutaires comme c’est le cas du label B Corp. Ces labels ont généralement une durée de validité limitée à quelques années et s’inscrivent dans une démarche d’amélioration continue.
Obtenir l’agrément ESUS
Un autre instrument permettant de formaliser l’engagement d’une entreprise est l’agrément ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale), créé par la loi du 31 juillet 2014. Les entreprises souhaitant l’obtenir doivent répondre à certains critères (poursuite d’une mission d’utilité sociale, rémunérations plafonnées, etc.), même si certaines sociétés en bénéficient de droit, comme les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE). Cet agrément permet d’accéder au financement de l’épargne solidaire et de bénéficier de certains avantages fiscaux et sociaux.
Déterminer une raison d’être
Une autre façon de pérenniser ses engagements consiste à inscrire une raison d’être dans ses statuts. C’est également une innovation de la loi PACTE qui a complété l’article 1835 du Code civil par l’alinéa suivant : « Les statuts peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ».
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Adopter la qualité de « société à mission »
La voie la plus contraignante juridiquement consiste à adopter la qualité de « société à mission », également introduite par la loi PACTE. Ce cadre optionnel est décrit par les articles L210-10 à L210-12 du Code du Commerce. L’article L210-10 détaille les conditions nécessaires pour devenir une société à mission, notamment l’inscription dans les statuts d’une raison d’être, d’objectifs sociaux et environnementaux et d’une gouvernance spécifique.
Selon la loi, la raison d’être et les objectifs statutaires doivent s’inscrire directement dans le cadre des activités de l’entreprise. Or plus de la moitié des entreprises étudiées par KPMG et l’Observatoire des sociétés à mission dans un bilan publié en mai 2023 ont défini des raisons d’être et des objectifs statutaires « en partie voire complètement décorrélés dans leur formulation de l’objet direct de leur mission et de leur cœur d’activité ». En découle un « risque de confusion entre stratégie de responsabilité sociétale de l’entreprise “classique” et démarche de société à mission ».
La qualité de « société à mission » est, dans une certaine mesure, opposable. En cas de non-respect des missions, le tribunal de commerce peut être saisi par le ministère public ou toute personne intéressée afin d’imposer à la société concernée de supprimer la mention « société à mission » de tous ses actes, documents ou supports électroniques.