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CHRISTINE LAGARDE

DIRECTRICE GENERALE DU FONDS MONETAIRE INTERNATIONAL (FMI)

L'actuariel 01

Économie Finance Finances publiques International

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Par ailleurs, les assureurs mettent en avant le fait que Solvabilité II pourrait les obliger à réduire leurs investissements dans les entreprises et aurait un impact négatif sur l’économie française. Ils soulignent aussi que la « rigidité de la réglementation » risque de déstabiliser le secteur. Quelle réponse apportez-vous à ces propos ?

Christine Lagarde : Je suis totalement mobilisée pour introduire les mesures permettant de ne pas pénaliser la détention d’actions. La France a obtenu la mise en place d’un chargement des actions dépendant de la position dans le cycle économique, ainsi qu’un chargement réduit pour les actions relatives à la couverture d’activités retraites. Il demeure que la directive Solvabilité II est souvent citée pour justifier le désengagement actuel ou futur des assureurs du financement des entreprises. En réalité, d’autres éléments, tels que les couples rendement/risque anticipés des différentes classes d’actifs, sont évidemment des facteurs essentiels dans les choix des assureurs, qui ont réduit leur exposition aux actions du fait de la volatilité constatée sur cette classe d’actifs dans les dix dernières années.

Solvabilité II stipule que les investissements en actions sont plus risqués que les investissements en obligations d’État. Mais, à la lueur de ce qui s’est passé ces derniers mois, ce postulat est-il toujours valable ?

Christine Lagarde : Il est difficile dans Solvabilité II de comparer les exigences associées à des risques différents. En effet, l’accroissement marginal de l’exigence en capital associé à un investissement dépendra de nombreux facteurs, notamment l’adéquation actif-passif de cet investissement avec la situation de l’assureur, ou la diversification avec les autres risques. Il est essentiel que les assureurs puissent continuer d’investir dans les classes d’actifs qui leur permettront de faire fructifier au mieux les sommes qui leur sont confiées par les assurés – c’est leur business model – tout en continuant de contribuer de manière satisfaisante au financement de l’économie.

Avec Solvabilité II, la responsabilité des actuaires va se trouver accrue, ce qui préoccupe la profession. Quelle est la réponse aujourd’hui du gouvernement français face à cette inquiétude ?

Christine Lagarde : En plaçant la gestion des risques au coeur de la conduite des affaires, la directive Solvabilité II positionne les actuaires au centre du jeu. Votre profession a le vent en poupe ! Ce mouvement participe également d’une valorisation trop longuement attendue des fonctions liées au contrôle des risques dans les établissements financiers. C’est une excellente chose.

Les actuaires souhaitent que leur rôle soit mieux reconnu, notamment en officialisant leurs responsabilités. Et ils recommandent de profiter du passage à Solvabilité II pour essayer de promouvoir une meilleure reconnaissance légale de la mission de leur profession. Que préconisez-vous pour cela ?

Christine Lagarde : Cette question dépasse en réalité le seul cadre du secteur assurantiel. Un des sujets de réflexion au niveau communautaire concerne le pouvoir d’alerte directe du responsable des risques à l’organe d’administration, mais une telle évolution pourrait toutefois nécessiter une adaptation du droit de nombreux États membres. Il me semble, en tout état de cause, nécessaire qu’une réflexion spécifique sur cette question soit menée dans le cadre des travaux sur la transposition de Solvabilité II en droit national.

Sur la mise en place de Solvabilité II et plus généralement de la responsabilité des sociétés d’assurances (et de réassurance), y a-t-il des divergences entre la France et ses principaux partenaires de l’Union (Grande-Bretagne, Allemagne) ? Si oui, quelles sont-elles ?

Christine Lagarde : Comme dans toute négociation, il peut exister des différences de vue, liées aux spécificités des marchés nationaux ou au rôle que les assureurs jouent dans le financement de l’économie. C’est ainsi que la France a été particulièrement attentive, durant toute la négociation, à ce que les assureurs puissent conserver leur fonction de financement de long terme de l’économie et à porter des risques longs. Cette préoccupation a pu être moins forte chez certains de nos partenaires, pour qui ces activités sont parfois exercées par d’autres acteurs non assurantiels.

Pensez-vous qu’avec ce nouveau cadre réglementaire, l’Union européenne est mieux armée que les États-Unis face à une éventuelle (autre) crise financière ?

Christine Lagarde : S’il est toujours techniquement difficile de comparer deux régimes prudentiels, cet exercice s’avère particulièrement délicat dans le cas des États-Unis, où la supervision prudentielle reste largement éclatée entre les différents États. Un régime prudentiel ne peut, en effet, se résumer à une exigence de fonds propres, même si c’est le paramètre le plus visible. Il faut prendre en compte l’ensemble des exigences, notamment celles relevant des piliers II (gouvernance) et III (reporting). Il est toutefois certain qu’avec Solvabilité II l’Europe se dote d’un régime modernisé qui pourrait servir d’exemple pour de nombreuses autres juridictions.

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