PDG DE BNP PARIBAS CARDIF
L'actuariel Janvier 2014
Le contrat euro croissance annoncé par le gouvernement va-t-il dans la bonne direction ?
Pierre de Villeneuve : Le diagnostic du rapport Berger-Lefebvre rejoint les réflexions que je viens d’évoquer : l’assurance vie doit continuer à se développer en France. L’euro-croissance permet à un souscripteur d’avoir dans son contrat des supports de valorisation très complémentaires dont le fonds croissance avec une garantie à une date donnée prévue contractuellement. Du fait de cette garantie, le fonds croissance se rapproche commercialement du fonds en euros, la différence étant sur la valeur de rachat qui, loin d’être garantie, est totalement dépendante de la valeur à prix de marché de l’actif mis en face de ce fonds croissance. Du fait de l’absence de garantie en cas de rachat, l’assureur peut mettre en place une gestion actif/passif très diversifiée avec une part importante d’actions et générer ainsi sur moyennes et longues périodes des performances supérieures à celles d’un fonds en euros.
Comment voyez-vous évoluer le métier des actuaires notamment dans le cadre
de Solvabilité II ?
Pierre de Villeneuve : L’évolution règlementaire met l’accent sur une meilleure appréhension des risques. Les actuaires étant des spécialistes en la matière, ils n’ont pas à être inquiets. Au contraire, ils ont une responsabilité forte pour satisfaire les besoins qui existent dans la gestion des risques. En ce qui concerne leur indépendance, les différences entre toucher des honoraires et un salaire me paraissent secondaires par rapport à la nécessité de respecter une déontologie, une éthique, surtout lorsque l’on fait partie d’une association professionnelle. Au-delà du statut administratif, le plus important est de rendre compte. Montrons que la déontologie au niveau de l’actuariat est quelque chose de sérieux, de rassurant, autour de laquelle il n’y a aucune suspicion à avoir.
Qu’attendez-vous des actuaires et de l’Institut des Actuaires ?
Pierre de Villeneuve : Outre le bagage scientifique, les actuaires doivent disposer des connaissances économiques, juridiques, comptables et sociales qui s’avèrent indispensables pour appréhender les événements auxquels nous sommes confrontés. Les filières d’actuaires sont de qualité et leur développement est positif. Elles sont complémentaires et offrent une richesse certaine en termes de formation. La question clé concerne le comportement que doivent adopter les actuaires pour s’adapter rapidement aux évolutions auxquelles nous devons faire face. Auparavant, nous raisonnions en fonction du passé, comme si les statistiques pouvaient se prolonger sur les mêmes bases, malgré les phénomènes de rupture. On ne s’interrogeait pas suffisamment sur ce qui pouvait modifier, dans l’avenir, les tendances du passé observées. Désormais, cette réflexion s’impose aux actuaires dont la responsabilité est d’anticiper ce qui peut advenir. Le métier des actuaires, à savoir l’exploitation des données pour mieux anticiper l’avenir et gérer le risque, va inévitablement changer. Il est important de conserver nos principes en sachant les adapter.
Quant à l’Institut des Actuaires, il fonctionne très bien. Ses membres ont beaucoup travaillé sur Solvabilité II. Néanmoins, à mon sens, leur contribution pourrait être plus forte dans les débats de société. En effet, nous évoluons dans un environnement où trop de décisions sont prises à court terme. Il revient aux actuaires d’alerter les décideurs sur les conséquences à long terme de certaines mesures.
Comment voyez-vous évoluer le marché de l’assurance en France dans les prochaines années ?
Pierre de Villeneuve : Nous ne sommes plus à l’époque où les groupes d’assurance avaient la prétention de tout faire. L’environnement est de plus en plus volatil et nécessite un grand professionnalisme, une réactivité très forte. Il impose aux assureurs de se concentrer sur quelques métiers, quitte à s’allier avec des opérateurs complémentaires. Il s’agit d’une évolution probable, déjà constatée dans l’industrie. Il convient d’être fort sur les métiers que l’on choisit.