PRESIDENTE-DIRECTRICE GENERALE DE LA CCR
L'actuariel 13
Un rapport publié dans la revue Nature Climate Change estime que le cout des inondations en Europe sera multiplié par plus de 5 par rapport à aujourd’hui. Comment CCR se prépare à ce genre d’aléas ?
Stéphane PALLEZ : En France, nous ne pouvons pas faire complètement le lien entre changement climatique et accroissement des coûts sur les évènements passés. Mais il y a aujourd’hui des indices ou des faits qui peuvent constituer des faisceaux de présomption de ce lien. Ce qui est certain c’est que nous assistons à l’élévation du niveau des océans qui a un impact sur les bordures côtières et la France est particulièrement concernée. Nous devons impérativement projeter les scénarios actuels en matière de changement climatique pour déterminer l’impact potentiel sur les risques et le coût des catastrophes naturelles afin de nous préparer pour éviter les scénarios les plus dramatiques. Nous avons commencé à le faire en matière de sécheresse avec Météo France en nous appuyant sur les scénarios du GIEC. Ce sont des projections à horizon 2050 car dans le domaine du climat, les effets sont très longs et nous devons agir maintenant si nous voulons influer sur des résultats qui se produiront dans 50 ou 100 ans. De ces scénarios, nous avons déduit que l’épisode caniculaire de 2003 pourrait se produire une année sur 2 au-delà de 2050 ou une année sur 4 dans le meilleur des cas. Nous avons le temps de nous y préparer mais oui, le changement climatique peut avoir un impact très significatif tant pour l’économie que pour la société française. Et nous allons continuer à travailler sur ce type de scénarios avec nos partenaires scientifiques.
Et sur le risque terrorisme, qu’en est-il ?
Stéphane PALLEZ : Le schéma de couverture entre l’Etat, les assureurs et la CCR a été renégocié en 2012 pour cinq ans. Cela donne une bonne visibilité au système. Le système de couverture des risques fonctionne bien. Cependant dans les études réalisées par les courtiers, nous notons que le risque terrorisme est assez sous-estimé. Sans doute car ce sont des évènements sur lesquels il n’est pas facile de se projeter. Néanmoins ce risque n’a pas diminué. Il est présent sous des formes diverses. Sous des formes « artisanales » (la commémoration des attentats du marathon de Boston est là pour nous le rappeler) mais aussi plus sophistiquées, avec des moyens technologiques et financiers puissants. Il ne faut pas baisser la garde ni sur le plan de l’assurance ni sur le plan de la prévention. S’il est impossible d’évaluer la probabilité d’un tel risque, nous pouvons faire des scénarios dans lesquels nous nous demandons quel pourrait être l’impact d’un tel évènement à tel endroit compte tenu d’un certain nombre d’éléments comme des phénomènes météorologiques.
Y-a-t-il de nouveaux risques sur lesquels CCR est particulièrement vigilant ?
Stéphane PALLEZ : Pour le moment, il n’y a pas forcément de risques nouveaux mais plutôt des risques qui prennent une importance croissante et dont nous commençons à réaliser l’impact potentiels sur l’économie et les entreprises. Parmi ceux-là, le cyber-risque qui revêt des formes très variées. Et qui, compte tenu du caractère critique des systèmes d’information dans nos sociétés et de la sensibilité de ces systèmes, peut avoir des conséquences systémiques majeures. C’est un risque encore mal appréhendé par les assureurs même s’il commence à être mieux couvert. Il n’y a pas encore sur ce point de bon équilibre global entre la demande et l’offre, c’est à dire une demande des entreprises qui accepteraient de payer une prime pour couvrir ce risque et une offre des assureurs pour proposer des produits adaptés et gérables pour eux. Nous voyons aussi des risques qui évoluent, comme le risque climatique récolte, dans un contexte où les experts s’inquiètent à juste titre de la couverture des besoins alimentaires de la planète, avec l’accroissement de la population, des surfaces agricoles qui disparaissent et des phénomènes climatiques extrêmes affectant des grands pays producteurs de produits alimentaires. Partout les Etats interviennent : les Etats-Unis sont très impliqués sur l’assurance climatique récolte qui est subventionnée par le budget fédéral. Le gouvernement Chinois a fait de son développement un objectif stratégique afin de garantir un minimum de revenu financier à ses paysans et de s’assurer une certaine indépendance alimentaire. En France, la question se pose également. Le Ministère de l’Agriculture a lancé un groupe de réflexion avec les assureurs, les représentants des agriculteurs et la CCR comme expert. Plusieurs questions se posent: comment accroitre le niveau de couverture de l’assurance récolte? Comment utiliser les capacités du marché de la réassurance ? Comment l’Etat peut-il favoriser ce développement ? Ces réflexions ne sont pas seulement françaises, elles s’inscrivent dans une problématique internationale.