EXPERTS ET DÉCIDEURS
La question du handicap n’est, fort heureusement, pas taboue. Sans que l’employeur n’aborde le sujet, il arrive qu’un candidat en situation de handicap affiche sa RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) en en faisant mention sur son CV. De même, quand un profil est adressé à une entreprise par un organisme comme Cap emploi, le recruteur est généralement prévenu. Pour autant, l’entretien doit quand même être bordé…
D’un point de vue pratique, si la nature du handicap est clairement spécifiée en amont, c’est peut-être qu’il faudra prévoir quelques aménagements pratiques pour l’entretien : s’assurer ou expliquer l’accessibilité des locaux en cas de mobilité réduite ou prévoir un interprète en langue des signes par exemple. Mais place ensuite à un entretien « normal ».
Et quel que soit le candidat, « les questions qui relèvent de la vie privée et non du contexte professionnel sont formellement interdites par la loi ». Concrètement, la loi l’empêche de demander à un candidat de quelle maladie il souffre ou quels traitements il suit. En revanche l’Agefiph suggère des questions factuelles sur genre : « Je vois que vous avez indiqué RQTH dans votre CV… Est-ce que vous avez besoin d’un aménagement particulier ? », « Y a-t-il des tâches qui pourraient vous mettre en difficulté ou des aménagements à prévoir ? » ou encore « Dans votre précédent emploi, avez-vous bénéficié d’un aménagement de poste ? ».
Toute question relative au handicap doit être abordée en matière de besoins. Car en définitive, aménagement ou pas, le cœur de l’entretien doit toujours porter sur les compétences du candidat.
But de l’entretien : écarter ses préjugés et ses biais, quels qu’ils soient. « Tant que les gens nous regarderont soit avec une extrême méfiance, soit avec une compassion excessive, on vivra en marge », résume l’ex-champion paralympique Michaël Jérémiasz, auteur du documentaire « We Are People » sur l’évolution de la place des personnes handicapées dans la société. Concrètement, il déplore la « super-héroïsation » des intéressés. Ils ont dépassé des obstacles ? Certainement. Cependant, ils restent des candidats comme les autres avec leurs compétences et leurs qualités humaines propres.
À ce titre, l’Agefiph recommande de rendre le candidat acteur de son intégration sans spéculer sur ses éventuels besoins : en effet, il s’agit de ne pas penser à sa place mais plutôt de lui laisser la main. Le recruteur peut l’encourager à se projeter avec une question comme : « Imaginez, vous êtes en poste depuis un an dans l’entreprise, quels sont les facteurs clés de succès de votre réussite ? »
Cela vaut aussi pour la préparation de son arrivée. Pourquoi pas une ultime interrogation du genre : « Et si votre manageur devait communiquer auprès de vos collègues sur votre arrivée dans l’équipe, que devrait-il dire ? Ne pas dire ? » Pour ainsi faciliter une bonne intégration dans l’entreprise.