EXPERTS ET DECIDEURS
SURVEILLER L’ACTIVITE DE SES SALARIES EN TELETRAVAIL, EST-CE AUTORISE ? AVEC LA GENERALISATION DU TELETRAVAIL DEPUIS LE DEBUT DE LA CRISE SANITAIRE, CERTAINS EMPLOYEURS ONT RECOURS A DES SYSTEMES DE SURVEILLANCE A DISTANCE. ATTENTION, TOUT N’EST PAS PERMIS.
Le télétravail est devenu une réalité pour de nombreux actifs depuis le début de la crise sanitaire. En septembre, il concernait 12% des salariés des entreprises du secteur privé, selon la septième étude «Acemo spéciale Covid» réalisée par la Dares [le département des statistiques du ministère du Travail]. Le travail à distance, apprécié ou non, bouleverse les pratiques professionnelles. Les organisations syndicales s’apprêtent d’ailleurs à ouvrir une négociation sur la question avec le patronat. Une première réunion est programmée le 3 novembre.
Ces discussions devraient permettre de moderniser le cadre légal du télétravail qui repose, en partie, sur l’Accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005, et d’éclaircir certaines zones grises. La surveillance des salariés aurait, semble-t-il, pris de l’ampleur depuis le confinement…
Selon une étude du cabinet ISG publiée en juin dernier, qui portait sur 2000 entreprises, les intentions d’achat de produits et services de surveillance de la productivité des employés à distance ont été multipliées par 500 depuis le début du confinement. Et l’arsenal à disposition des employeurs méfiants se révèle considérable. Des logiciels permettent de mesurer l’attention des participants en temps réel via des captures d’écrans. D’autres prennent le contrôle à distance de l’ordinateur, de la boîte mail ou de la webcam. Des keyloggers reconnaissent les mouvements de souris ou les frappes sur le clavier ; la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) considère ces derniers comme illicites.
Surveiller l’activité de ses salariés en télétravail : des limites à ne pas dépasser
Sur le principe, l’employeur peut «surveiller» l’activité de ses salariés. En effet, un contrat de travail suppose un contrôle régulier de l’exécution de leurs prestations. Comme le précise maître Éric Rocheblave, avocat spécialisé en droit du travail : «Le télétravail est un travail comme un autre. Seule petite nuance : ce n’est pas un travail en présentiel, mais à distance. L’employeur a toujours le pouvoir de contrôler l’exécution de ce travail par l’employé.»
Cette surveillance doit être proportionnée au but recherché, et justifiée par la tâche à accomplir explique maître Éric Rocheblave, avocat spécialisé en droit du travail.
Certaines pratiques sont donc proscrites : la violation du secret des correspondances, la collecte et le traitement automatique d’informations nominatives, et le non-respect de l’intimité de la vie privée. Surtout, «il ne faut pas que cette surveillance se fasse à l’insu des salariés. Elle doit être préalablement portée à leur connaissance», avertit l’avocat. Les délégués du personnel doivent également en être informés.
Un maximum de transparence à l’égard de ses salariés
Si le système comporte un traitement des données nominatives ou permettant l’identification d’un salarié, l’employeur doit, en premier lieu, effectuer une déclaration préalable auprès de la Cnil. L’organisme doit recevoir une notification de l’entreprise lorsque le contrôle est réalisé à distance via son réseau, avec un accès par identifiant et mot de passe. Car cela constitue, au regard de la loi Informatique et libertés, un système de traitement automatique de données nominatives. Ne pas se mettre en relation avec la Cnil peut constituer un indice défavorable lorsque l’employeur est attaqué aux prud’hommes par un salarié.
L’autorité administrative invite également les salariés à plus de vigilance pour protéger l’accès à leurs données personnelles. Elle leur recommande de sécuriser leur connexion à Internet, en vérifiant le mot de passe de leur box, et en supprimant le Wi-Fi invité. Il est également conseillé de favoriser, autant que possible, l’usage d’équipements fournis et contrôlés par l’entreprise.