EXPERTS ET DÉCIDEURS
Une possibilité temporaire de monétisation des jours de RTT a été mise en place avec la loi de finances rectificative pour 2022. Décryptage de cette mesure.
Redonner du pouvoir d’achat aux salariés, tel était l’un des objectifs de la loi de finances rectificative pour 2022, adoptée en août dernier. Parmi les mesures prévues à cet effet figure notamment la monétisation de RTT. « La loi prévoit la possibilité pour un salarié de convertir des journées ou des demi-journées de RTT qui n’ont pas été prises en salaire », explique Sophie Gayou, juriste chez Innoliance, membre du groupement France Défi. Il bénéficie alors d’une majoration de salaire et d’un régime fiscal et social favorable.
Toutes les entreprises sont potentiellement concernées. « Cette possibilité n’est pas limitée au niveau de la taille de l’entreprise. En revanche, il faut que les journées de RTT que le salarié souhaite faire racheter par son employeur aient été acquises en application soit d’un accord de RTT antérieur à la loi de réforme du temps de travail de 2008 et maintenu en vigueur, soit d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine », précise la juriste. La mesure est en outre limitée dans le temps : la loi prévoit qu’elle peut s’appliquer aux journées et demi-journées de RTT acquises entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025.
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Si des possibilités de monétisation des RTT non-prises existaient déjà, c’était à titre exceptionnel. « Le principe est que les RTT non-prises soient perdues. Mais il était déjà possible de les monétiser pour les salariés au forfait jour, ceux dont l’entreprise a mis en place un compte-épargne temps et ceux qui avaient été empêchés de prendre leur RTT du fait de leur employeur. Ce nouveau dispositif s’ajoute donc à ces possibilités existantes », indique Sophie Gayou. C’est au salarié de demander à bénéficier de ce rachat de RTT et l’employeur peut refuser, sans avoir à justifier sa décision. Il ne peut lui-même l’imposer à son collaborateur.
[citation auteur= »Sophie Gayou, juriste chez Innoliance »] Rien n’est prévu par la loi concernant les modalités de cette demande et de la réponse de l’employeur, mais mieux vaut acter tout cela par écrit [/citation]
Pour décider d’accorder ou non ce rachat au salarié, l’entreprise a intérêt à garder en tête certains points de vigilance. « Il convient d’abord de vérifier que l’entreprise dispose bien d’un accord de RTT ou d’aménagement du temps de travail tel que visé par la loi », rappelle la spécialiste. « Si l’employeur accorde cette possibilité à un salarié, il lui faudra accepter pour les autres aussi en vertu du principe d’égalité de traitement entre eux », poursuit-elle. Cela implique donc de s’assurer de disposer de la trésorerie nécessaire.
Côté paie, les demi-journées ou les journées travaillées en plus et rachetées par l’entreprise doivent donner lieu à une majoration de salaire au moins égale à celle applicable à la première heure supplémentaire dans l’entreprise. « Le taux légal de cette majoration est de 25 % mais un accord collectif peut prévoir quelque chose de différent », souligne Sophie Gayou.
Sur le plan fiscal et social, « on se calque sur le régime des heures supplémentaires avec quelques nuances », résume la juriste. Le salarié bénéficie ainsi d’une réduction de ses cotisations sociales salariales et la rémunération de ces RTT rachetées n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu, dans la limite du plafond de 7500 € par an prévu pour la défiscalisation des heures supplémentaires. En revanche, ces RTT ne sont pas prises en compte dans le contingent annuel d’heures supplémentaires du salarié.
Côté employeurs, les entreprises de moins de 20 salariés bénéficient en outre d’une déduction forfaitaire des cotisations sociales patronales sur la rémunération de ces RTT. Autant d’éléments à prendre en compte avant de choisir d’autoriser ou non ce rachat pour donner un coup de pouce au pouvoir d’achat de ses collaborateurs.