Le regroupement de crédits n’a pas pour objectif de diminuer le coût du crédit, mais d’améliorer son pouvoir d’achat
Le parisien Économie 10 Février 2014
Regrouper tous ses anciens crédits en un seul permet de rembourser moins tous les mois. Utile pour les personnes surendettées mais pas seulement.
Une solution au départ attractive
Cumuler tous ses crédits en un seul, rééchelonné sur une durée plus longue, pour réduire ses mensualités : la solution paraît au départ attractive. C’est ce que l’on appelle le « regroupement de crédits ». « L’objectif n’est pas de diminuer le coût de l’opération, mais d’améliorer son pouvoir d’achat et son reste à vivre mensuel », explique Arsalain El Kessir, président et fondateur de la société de courtage Bourse des Crédits. Mais si les mensualités sont plus faibles, l’emprunteur remboursera plus longtemps, ce qui au final lui coûtera plus cher. « C’est en effet plus coûteux, mais c’est la solution qui permet de retrouver une vie normale avec un budget équilibré », confirme Benoît Michaux, PDG du courtier Partners Finances.
La formule peut être utile aux personnes surendettées. Mais pas seulement. « Y recourent également les retraités par exemple, qui, avec la baisse de revenus consécutive au passage à la retraite, souhaitent retrouver une certaine marge de manœuvre financière, mais également des personnes qui ont des projets et qui se voient refuser un nouveau crédit parce que leur endettement dépasse le seuil de 33 % de leurs revenus nets, auquel les prêteurs sont généralement très attentifs », fait valoir Pascal Beuvelet, président fondateur du courtier In&Fi France.
Accessible à la plupart, mais pas à tous
Mais attention, tout le monde n’y a pas forcément accès. S’il est encore possible de trouver des solutions pour des personnes dont l’endettement atteint 80 % des revenus, au-delà, elles sont le plus souvent orientées vers la commission de surendettement. Par ailleurs, le candidat doit pouvoir présenter des revenus stables et pérennes. En clair, seront systématiquement rejetés les chômeurs, les personnes sans emploi, celles qui ont déjà saisi la commission de surendettement, celles qui sont inscrites soit au fichier des incidents caractérisés de paiement (FICP) soit à celui des cartes bancaires ou chèques sans provision (FCP), les acheteurs ou les joueurs compulsifs, etc.
Tous les types de prêts peuvent être regroupés (crédits immobiliers, renouvelables ou revolving, personnels, découverts bancaires), mais aussi les dettes (arriérés d’impôts, de loyers, de pensions alimentaires, etc.). « L’idéal est de regrouper l’ensemble des crédits et dettes en cours pour repartir du bon pied, sauf, bien sûr, les prêts à taux zéro ou aidés, afin que l’emprunteur puisse continuer à bénéficier de leurs conditions imbattables », fait valoir Emmanuel Bouriez, directeur général adjoint de Crédit Municipal de Paris Banque. L’organisme financier rembourse le tout et accorde un nouveau crédit, sur une durée plus longue et à un taux unique. Le nouveau taux d’intérêt dépend de la nature de l’opération. Si un prêt immobilier représente plus de 60 % des montants regroupés, le nouvel emprunt sera considéré comme un prêt immobilier et soumis au taux légal maximal (taux de l’usure), fixé tous les trimestres pour ces prêts-là, à savoir 5,04 % actuellement tous frais compris (frais de garanties, de dossier, etc.). Si en revanche, l’immobilier représente moins de 60 % de l’opération, alors le seuil de l’usure dépend du montant du regroupement : 10,35 % pour un montant supérieur à 6 000 euros, 15,12 % entre 3 000 et 6 000 euros et 20,23 % pour un prêt inférieur à 3 000 euros. Bref, une opération loin d’être anodine !
Quel établissement financier choisir ?
Votre banque
Renseignez vous d’abord auprès de votre banque. La plupart d’entre elles pratiquent les regroupements simples (sans prêt immobilier) et ceux qui impliquent peu de crédits (3 au maximum).
Les établissements spécialisés en crédits à la consommation
Cofidis, Cetelem, Sofinco… Renseignez-vous au préalable, car ces établissements ne pratiquent généralement que le regroupement de crédits à la consommation, pour des opérations concernant peu de prêts (rarement plus de 3) et dans la limite d’un certain montant (certains ne vont pas au-delà de 30 000 euros).
Les établissements financiers spécialisés
CGI, Sygma Banque, Créatis, Créditlift… Également filiales de grands groupes bancaires, ces établissements sont spécialisés dans le regroupement de crédits. Ils font tout, quelle que soit la nature des crédits en question (immobilier ou consommation) et quel que soit le nombre d’emprunts à regrouper. « Mais, pour y accéder, il faudra généralement passer par un courtier en crédits, sauf pour GE Money Bank, qui travaille également en direct avec les particuliers », complète Pascal Beuvelet.
Les courtiers en crédits
Certains comme Empruntis.com, Meilleurstaux.com, In&Fi, Cafpi sont connus, mais pas la plupart des autres ! Passage souvent obligé pour les opérations complexes, ils sont plus de 400 en France, de l’enseigne nationale à la petite boutique locale. Vous les trouverez sur Internet. Veillez à en sélectionner un qui travaille avec de nombreux partenaires financiers.
« Ma Tante »
On l’oublie trop souvent, mais le regroupement de crédits est l’un des métiers historiques de la banque du Crédit Municipal. L’intérêt de le solliciter à Paris ou en Ile-de-France ? C’est un spécialiste du regroupement de crédits et c’est moins cher puisque vous économisez la commission du courtier.
Gare
aux frais !
L’opération de regroupement de crédits peut vous paraître indolore. Vous n’avez en effet jamais rien à payer de votre poche, ni au courtier en crédits, ni à l’établissement financier. Et pourtant, c’est bien vous qui allez acquitter tous les frais prélevés à cette occasion. Mais, au lieu de les payer tout de suite – ce qui pourrait encore compliquer votre situation financière –, ces frais viennent s’ajouter au capital total que vous empruntez. La note peut être très salée, notamment si parmi les crédits que vous regroupez, il y a un ou plusieurs prêts immobiliers. On peut monter jusqu’à près de 10 % du montant de l’opération !
Pour les prêts immobiliers
– Paiement de l’indemnité de remboursement anticipé (IRA), suite au remboursement du crédit immobilier préexistant : plafonnée à 3 % du capital restant dû.
– Frais de levée de l’hypothèque initiale : en moyenne 0,05 % du capital emprunté (2 434 euros pour 150 000 euros empruntés ; 3 058 euros pour 200 000 euros ou 3 681 euros pour 250 000 euros empruntés).
– Frais pour la nouvelle hypothèque : environ 1,5 % du capital emprunté.
Pour tous les crédits
– Frais de dossier : de 1 % à 2 % en moyenne du capital emprunté, prélevés par l’établissement prêteur.
– Rémunération, le cas échéant, du courtier en crédits : de 2 % à 8 % du capital emprunté, selon la complexité du dossier à restructurer (de 2 % à 5 % chez Partners Finance, de 2,5 % à 6 % chez Empruntis, de 5 % à 8 % chez In&Fi). Ces frais sont les seuls à être négociables.
Les 5 conseils
du gendarme des banques*
1/ Vérifiez que le mandataire ou le courtier en crédit auquel vous avez affaire est immatriculé à l’ORIAS, le registre des intermédiaires en assurance, banque et finance, qui leur délivre une sorte de « permis de travail ». Le numéro de l’ORIAS doit être indiqué sur tous les documents qu’il vous remet et sur son site Internet. Muni de ce numéro, allez toujours vérifier qu’il est bel et bien enregistré (www.orias.fr). À défaut, fuyez !**
2/ En cas de difficultés financières, n’hésitez pas à vous faire aider. Vous pouvez vous adresser au centre communal d’action sociale (CCAS), aux services sociaux du conseil général de votre département, aux associations d’aide aux familles ou de consommateurs.
3/ Ayez conscience que la restructuration de crédits n’est pas une solution miracle. Elle est rarement neutre, c’est une opération lourde et chère.
4/ Vérifiez toujours quels sont les crédits regroupés et ceux qui ne le sont pas, pour éviter les mauvaises surprises ultérieures. Ces éléments sont indiqués dans un document qui doit obligatoirement vous être remis avant la signature de l’offre de crédit et qui récapitule toute l’opération : les crédits concernés par le rachat, le taux et la durée du nouveau crédit proposé, tous les frais, le poids des intérêts avant et après, etc.
5/ Soyez attentifs aux conditions de renégociation du crédit. Pourrez-vous le réaménager ou le rembourser par anticipation ? Avec ou sans frais ? À n’importe quelle date ou aux échéances annuelles seulement ? Quand vous serez sortis de vos difficultés passagères, vous pouvez souhaiter solder votre crédit ou en réduire la durée. À vérifier dès l’origine donc !
* L’ACPR (autorité de contrôle prudentiel et de résolution) est le gendarme des banques, des assurances et des mandataires ou courtiers en crédit notamment.
** Empruntis, cité dans ce dossier, est immatriculé à l’ORIAS sous le nom de sa maison mère : Panoranet
avis d’expert
Marie-Jeanne EYMERY
administrateur de l’association de consommateurs CLCV
Quand peut-on considérer que l’on a des difficultés financières ?
Marie-Jeanne EYMERY : À partir du moment où vous avez un découvert bancaire régulier, on peut imaginer qu’à un moment vous aurez des difficultés, notamment en cas de maladie, de perte d’emploi ou si devez faire face à une dépense exceptionnelle, comme l’achat d’une voiture ou d’un appareil électroménager par exemple. Dans ce cas, il faut absolument réagir le plus rapidement possible, avant que la situation ne devienne inextricable. On peut commencer par aller discuter avec son banquier, mais aussi se rapprocher des associations de consommateurs comme la nôtre. Nous faisons un bilan financier complet avec les personnes rencontrant des difficultés. Nous étudions les différentes solutions selon leurs profils et les orientons quant à la marche à suivre.
« Se faire aider avant que la situation ne devienne inextricable »
Quelles sont les solutions les plus faciles à mettre en place ?
Marie-Jeanne EYMERY : La plus simple est bien sûr d’évoquer le problème avec son banquier. Il pourra dans certaines situations mettre des choses simples en œuvre comme un plan d’apurement du découvert. Si vous n’avez pas trop de crédit en cours, vous pouvez négocier avec les organismes une « pause » (suspension temporaire des mensualités) ou un réaménagement (baisse des mensualités et allongement de la durée de remboursement). Dans le cadre du crédit renouvelable, toujours très cher, il est possible à tout moment de le résilier et de le transformer en crédit classique. Si aucun accord n’est trouvé, il est possible de demander des délais de paiement au juge d’instance, qui peut accorder la suspension provisoire des remboursements de certains crédits pour une durée de 24 mois au maximum.
Quand conseillez-vous de recourir au regroupement de crédits ?
Marie-Jeanne EYMERY : Quand il y a beaucoup de crédits en cours, que la personne a des revenus corrects et réguliers ainsi qu’une une certaine capacité de remboursement. Le regroupement ou la restructuration de crédits peut, dans certaines situations, être une bonne solution, mais elle est généralement coûteuse. Lorsqu’aucune autre voie n’est possible, la saisine de la commission de surendettement est alors à envisager.
EN SAVOIR +
À CONSULTER
– Le regroupement de crédits. La solution ?, le mini-guide du site Les clés de la banque, www.lesclesdelabanque.com
– « Regroupements de crédits », des conseils sur www.lafinancepourtous.com
– La législation applicable au regroupement de crédit, dans la rubrique « crédits aux particuliers », sur le site commun de l’ACPR, de la Banque de France et de l’AMF, www.abe-infoservice.fr
– « Quelle protection en matière de crédit à la consommation ? », sur le site du centre de documentation économie-finances : www.economie.gouv.fr/cedef