EXPERTS ET DÉCIDEURS
Les salariés protégés bénéficient d’un statut particulier qui rend leur licenciement difficile. Mais pas impossible, à condition de bien anticiper et de demander en amont l’autorisation à l’inspection du travail.
Il existe au sein des entreprises des salariés dits « protégés » qui bénéficient d’une protection contre le licenciement. Il s’agit de personnes qui exercent un mandat auprès d’un CSE (Comité social et économique), un mandat syndical ou au conseil des prud’hommes mais aussi les candidats aux élections des représentants du personnel ou à l’élection des conseils de prud’hommes ou ceux qui ont demandé la tenue d’une élection.
Sans oublier les femmes enceintes, les jeunes pères, des personnes qui sont victimes d’un accident ou d’une maladie du travail ou encore les maires et les adjoints au maire des communes de plus de 10 000 habitants et le président ou les vice-présidents ayant délégation de l’exécutif du conseil départemental ou régional.
La liste est donc longue : que faire en cas de licenciement économique ou de faute grave ? « Le licenciement est possible mais la procédure est particulière, car il faut demander en amont l’autorisation à l’inspection du travail », nuance Alexandra Despres, directrice associée service social au sein du cabinet Michel Creuzot, membre du groupement France Défi.
En effet, en cas de faute professionnelle par exemple, les salariés protégés peuvent bel et bien être licenciés. « Si les faits sont là, l’inspection du travail donne son autorisation au licenciement. La faute professionnelle doit être importante comme un détournement, un vol ou encore une volonté de nuire à l’entreprise », précise Alexandra Despres. Pas question de licencier une personne qui n’a jamais eu de problème et qui commet une petite faute technique.
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Il n’y a cependant pas de règles : l’inspection du travail donne son avis au cas par cas, après avoir mené une enquête qui consiste notamment à s’entretenir avec le salarié et l’employeur pour approfondir la situation factuelle du motif. « Les faits doivent être légitimes. Pour les faire valider, il est préférable d’apporter des preuves de ce qui est avancé », conseille Alexandra Despres.
La procédure peut donc être longue : l’inspection du travail bénéficie d’un délai de deux mois avant de donner sa réponse. Pendant ce temps, le salarié protégé continue donc à travailler pour l’entreprise. Il faut en effet une faute très importante pour qu’il soit mis à pied à titre conservatoire.
À noter qu’au-delà du licenciement en tant que tel, une autorisation préalable doit être demandée à l’inspection du travail également dans les cas suivants : rupture de la période d’essai à l’initiative de l’employeur, non-renouvellement d’un CDD, modification du contrat ou des conditions de travail, mise à la retraite, rupture d’un commun accord.
Autre difficulté liée à ce statut de salarié protégé : être au courant du statut de salarié protégé de ses employés. « Si le mandat a lieu à l’extérieur de l’entreprise, l’employeur n’est pas toujours au courant puisque le salarié n’a pas l’obligation de l’en informer », indique Alexandra Despres.
L’experte évoque également la difficulté de savoir qu’une salariée est enceinte lorsqu’elle est au tout début de sa grossesse. Elle conseille donc, avant tout licenciement, de s’enquérir auprès du salarié s’il bénéficie d’un statut de salarié protégé ou non. Il s’agit par ailleurs de bien connaître ce statut.
[citation auteur= »Alexandra Despres, directrice associée service social au sein du cabinet Michel Creuzot]La protection des jeunes pères est souvent méconnue des employeurs. Or, il est protégé contre le licenciement pendant les 10 semaines qui suivent la naissance de l’enfant[/citation]
En cas de mandat, la protection se poursuit après la fin du mandat pour une durée allant de six mois à un an, selon le type de mandat. Pour les salariés qui ont été candidats ou qui ont demandé la tenue d’une élection, la protection est de six mois. La protection des femmes enceintes dure le temps de la grossesse et du congé maternité plus dix semaines et celle des salariés malades ou accidentés pendant toute la durée de l’arrêt de travail.
Le risque, sinon, est de lancer une procédure de licenciement sans respecter la demande d’autorisation auprès de l’inspection du travail et de voir ce licenciement remis en cause par le conseil des prud’hommes pour défaut de procédure. Le salarié pourrait donc être réintégré et bénéficier de dommages et intérêts.