EXPERTS ET DÉCIDEURS
Ce dispositif de « taxe carbone », qui s’inscrit dans l’action de l’Union Européenne de lutte contre le réchauffement climatique, devrait permettre de rétablir en concurrence plus loyale entre entreprises européennes et non-européennes.
Pour lutter contre le réchauffement climatique, il est nécessaire de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. En la matière, l’Union Européenne affiche des objectifs ambitieux. Son Pacte Vert pour l’Europe prévoit ainsi d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050 et de réduire de 55 % ses émissions par rapport à 1990 d’ici à 2030. Parmi les mesures prévues figure le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), parfois appelé « taxe carbone européenne », dont la mise en place à fait l’objet d’un accord entre le Parlement, la Commission et le Conseil européens en décembre dernier. Son entrée en application se fera progressivement à partir d’octobre prochain et jusqu’en 2034.
L’objectif ? Eviter les « fuites carbone » à savoir « le fait que des entreprises établies dans l’UE puissent déplacer leur production à forte intensité de carbone à l’étranger afin de profiter des normes laxistes, ou que des produits de l’UE soient remplacés par des importations à plus forte intensité de carbone », explique la commission. Le MACF doit d’une certaine façon permettre d’étendre les exigences environnementales européennes aux entreprises exportant en Europe mais qui produisent en dehors de l’Union et ne sont donc pas directement soumises à ses normes.
Concrètement, il consistera en l’application d’un surcoût aux marchandises lors de leur franchissement des frontières européennes. Cela concernera dans un premier temps le fer, l’acier, le ciment, les engrais, l’aluminium, l’électricité et l’hydrogène, des marchandises pour lesquels le risque de fuites carbone a été jugé plus important. Le surcoût sera assumé par les importateurs. « Les importateurs de l’UE achèteront des certificats carbone correspondant au prix du carbone qui aurait été payé si les marchandises avaient été produites conformément aux règles de l’UE en matière de tarification du carbone », explique la commission.
Le MACF est ainsi lié au marché européen des quotas d’émissions carbone appelé système européen d’échange de quotas d’émissions (SEQE) car le prix des certificats carbone à acheter sera défini par le prix du CO2 sur ce marché. Le nombre de certificats dépendra des émissions de CO2 générées par la production de la marchandise concernée, une donnée que les importateurs devront récupérer auprès des entreprises productrices. Dans le cas où ces informations ne seraient pas disponibles, ils pourront utiliser des valeurs par défaut. Il est en outre prévu que le montant à payer soit modulé si un prix carbone est déjà appliqué dans le pays d’origine de la marchandise.
Les entreprises importatrices des marchandises visées doivent donc dès à présent se préparer afin d’être en mesure de déclarer les émissions intégrées dans leurs importations. Elles devront le faire chaque année. Jusqu’à 2025, il est prévu une période transitoire pendant laquelle les importateurs auront seulement à effectuer ces déclarations. A partir de 2026, ils devront acquérir auprès des autorités nationales les certificats correspondants à leurs émissions importées, et, s’être pour cela préalablement enregistrés auprès d’elles.
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Les importateurs directs ne seront cependant probablement pas seuls concernés par l’impact économique de la mise en place du MACF. Elle s’accompagne d’une modification du marché européen des quotas carbone avec, à terme, la suppression des quotas gratuits qui étaient alloués à certaines entreprises. Les producteurs concernés devront donc désormais payer leurs quotas, ce qui pourrait altérer leur compétitivité à l’export. De manière générale, les produits soumis au système de quotas carbone devraient voir leurs coût augmenter, qu’ils soient produits en Europe ou non. « Le MACF réduit considérablement les fuites de carbone européennes, mais il a un coût, et pas seulement pour les secteurs couverts par le MACF et le SEQE », résument ainsi les économistes Cécilia Bellora et Lionel Fontagné, économistes sur le blog du Centre d’études prospectives et d’informations internationales.