Accueil Économie Emploi Télétravail et handicap : opportunité ou contrainte ?

Télétravail et handicap : opportunité ou contrainte ?

LE PARISIEN

Emploi

BOULEVERSEMENT LE DEUXIEME CONfiNEMENT, SYNONYME POUR BEAUCOUP DE TRAVAIL A DISTANCE, EXPOSE LES SALARIES A UN RISQUE NON NEGLIGEABLE D’ISOLEMENT.

POUR NOMBRE de personnes en situation de handicap, la généralisation du travail à distance ressemble à une aubaine. Puisqu’il s’applique peu ou prou à tout le monde, sans distinction liée à la santé, le télétravail estomperait, enfin, les différences. « Il constitue une opportunité pour les personnes handicapées : elles n’ont plus à lutter en permanence contre leur invalidité », note Guy Tisserant, président de TH Conseil, un cabinet spécialisé dans la mise en œuvre des politiques de diversité. Fini le stress quotidien du transport, oubliées les éclipses du bureau pour rendez-vous médical, invisibles les gros coups de fatigue… S’allonger pour se reposer, détendre ses muscles, calmer la douleur, tout devient possible.

« Nos salariés handicapés sont très demandeurs de travail à domicile », constate d’ailleurs Aurélie Hallouin, chargée de responsabilité sociale et référent handicap chez ADP. Cette entreprise, spécialisée dans les solutions de gestion des ressources humaines – 2 400 salariés en France – a proposé à tous ses collaborateurs handicapés un

aménagement de leur nouvel espace de travail à domicile. Une vingtaine de postes ont été reconfigurés ; les interventions ont surtout porté sur des agencements matériels : bureaux à élévation électrique, sièges ergonomiques, double écran, supports pour les bras et les poignets…

La menace, à terme, du désengagement

Mais il ne faut pas enjoliver la situation. La généralisation du télétravail, a fortiori en période de confinement, présente un réel danger aux yeux des employeurs : celui d’un délitement des collectifs, avec, à terme, la menace que les collaborateurs se désengagent.

Un piège que l’enseigne de crédit à la consommation BNP Paribas Personal Finance a pris au sérieux. Si ses salariés handicapés peuvent bénéficier de deux jours par semaine en télétravail – contre un jour pour les collaborateurs valides –, l’entreprise veut limiter le risque d’isolement. « Pour maintenir la cohésion sociale, nous avons décidé que cette dérogation ne s’appliquerait pas aux salariés travaillant moins de 80% de la durée légale. Aujourd’hui, sur nos 350 collaborateurs en situation de handicap, 200 sont éligibles à ce quota de deux jours de télétravail », détaille Wonjé Bytha, en charge des questions de diversité.

Le travail à distance, non seulement porteur d’un risque d’isolement pour des personnes déjà fragilisées, pourrait susciter de nouvelles formes d’exclusion sociale si l’accompagnement n’est pas assez renforcé. D’où l’urgence d’investir dans tout ce qui peut le faciliter : l’aménagement des postes, mais aussi des interfaces numériques pour le sous-titrage des visioconférences, ou des traducteurs de conversations téléphoniques en langue des signes.

Des accords d’entreprise qu’il faudra bien négocier

Dans les mois à venir, la généralisation du travail à domicile dans la plupart des secteurs d’activité pourrait se traduire par la multiplication d’accords d’entreprise sur le sujet. Guy Tisserant s’en inquiète déjà : « Il faut à tout prix éviter de raccrocher trop vite les accords sur le handicap à ces nouveaux accords sur le télétravail. Sinon, on peut en arriver à occulter les besoins très spécifiques des personnes handicapées. »