EXPERTS ET DÉCIDEURS
Le projet de loi reprenant l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur prévoit d’étendre aux entreprises de 11 à 49 salariés répondant à certains critères l’obligation de mettre en place au moins un dispositif.
Le gouvernement a présenté fin avril un projet de loi reprenant « fidèlement » l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de valeur signé en février par le patronat et les syndicats de salariés. Le principal objectif est d’étendre aux entreprises de 11 à 49 salariés l’obligation de mettre en place un dispositif de partage de la valeur (intéressement, participation, prime de partage de la valeur) à partir du 1er janvier 2025. Seules les PME dont le bénéfice net fiscal représente au moins 1 % du chiffre d’affaires pendant trois années consécutives et qui ne sont pas déjà couvertes par un dispositif de partage de la valeur sont concernées.
A l’heure actuelle, les dispositifs de partage de la valeur sont beaucoup moins répandus dans les petites entreprises que dans les grandes sociétés : la part des salariés couverts par au moins un de ces dispositifs n’est ainsi que de 20 % dans les entreprises de 10 à 49 salariés contre 89 % pour celle de plus de 1 000 salariés, souligne le rapport parlementaire de la mission d’information sur le partage de la valeur remis mi-avril par les députés Louis Marguerite (Renaissance) et Eva Sas (EELV). Selon la CFE-CGC, entre 700 000 et un million de salariés supplémentaires pourraient être concernés par les nouvelles dispositions.
Pour encourager le développement de la participation dans les PME, le projet de loi offre notamment la possibilité de déroger à la formule légale de participation, à titre expérimental, pendant une durée de cinq ans. Il envisage aussi de prolonger pour trois ans, sans le pérenniser, le régime fiscal avantageux de la prime de partage de la valeur (PPV) pour les entreprises de moins de 50 salariés. « Les chefs d’entreprise ont été séduits par la PPV, qui est facile à mettre en place, ne présente aucun inconvénient, est exonérée de charges sociales et, en 2023 seulement, d’impôt sur le revenu pour les salariés dont la rémunération est inférieure à trois Smics », précise Alain-Philippe Etlin, président et fondateur du cabinet Acofi.
[citation auteur= »Alain-Philippe Etlin, président et fondateur du cabinet Acofi »]Un chef d’entreprise pourra respecter la lettre de la loi et en fait ne rien avoir à verser. [/citation]
Selon cet expert-comptable, ce projet de loi présente l’avantage de « rappeler aux chefs d’entreprises qu’ils disposent d’une grande souplesse pour donner des primes en fonction des résultats, même si une PPV doit être octroyée selon des règles communes à l’ensemble du personnel ». Par contre, il risque d’alourdir la charge administrative des entreprises sans offrir de garanties aux salariés, estime le président d’Acofi. « Un chef d’entreprise pourra respecter la lettre de la loi et en fait ne rien avoir à verser », pointe-t-il.
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Un écueil également signalé par les députés Eva Sas et Louis Marguerite dans leur rapport : « l’obligation d’instaurer un dispositif de partage de la valeur n’entraîne aucune obligation quantitative sur le montant à redistribuer aux salariés. Un chef d’entreprise pourrait ainsi satisfaire cette obligation en distribuant une PPV de 1 euro. » Cela sera peut-être corrigé lors du processus législatif : présenté en Conseil des ministres fin mai, le texte sera examiné cet été au Parlement dans l’optique d’un vote avant la fin de la session parlementaire.